Comme annoncé, les légendes sur ce thème consistent principalement en deux affirmations
que nous allons discuter séparément ici:
a) L'étang était un état sacré pour les druides celtes, qui y célébraient un culte
b) L'étang s'appelait originellement "Etang des Druides", et a été rebaptisé
"Etang des Truites" par erreur, très récemment.
Il est très difficile d'être affirmatif, dans un sens ou dans l'autre, en l'absence de témoignage digne de foi et remontant à une époque suffisamment proche de l'Antiquité pour avoir conservé la mémoire directe de la chose. Néanmoins, le fait est tout à fait plausible, bien que non certifié, comme cela a pu être le cas pour d'autres lacs ou étangs; et tant qu'on n'y aura pas repêché de vestige d'offrandes datant de cette époque, le doute devra rester de mise, en l'absence de source écrite vraiment probante.
Je n'ai pu trouver sur ce thème des druides que deux sources écrites. La première est Astruc (1737) qui lui-même se réfère à Sénèque (Ier siècle) et à Grégoire de Tours (VIe siècle). La seconde est moderne, il s'agit de la monographie d'Aimé Sarda (Le Tabor Pyrénéen, 1994). Nous allons examiner successivement ces deux sources, avant de conclure.
Dans la monographie d'Aimé Sarda (Le Tabor Pyrénéen, 1994) on trouve une abondante évocation, avec force détails de mise en scène, sur la présence et le culte des druides gaulois autour des étangs du Pic de Saint-Barthélemy. C'est à ma connaissance la seule source s'aventurant sur le sujet, mais, évidemment, elle ne prétend à une quelconque valeur historique: en effet cet ouvrage se place délibérément dans une optique de collecte et de transmission de la tradition orale moderne, dans tout ce qu'elle a de plus "imaginatif" (ce qui fait son charme d'ailleurs), sans prétendre une fois encore à un éclairage historique.
Voici le passage que l'on peut y relever sur le sujet (p52-53):
"... Le deuxième nom de lieu sera le gourg des Druides. Nous savons que
les gaulois n'ont jamais construit des Temples. Pour célébrer leur culte,
ils choisissaient des sites naturels nommés "NEMETONS" se distinguant
de l'environnement immédiat: bois, lac, rochers, etc... Nous savons
aussi qu'il était dans leur tradition de jeter des pièces d'or ou
des monnaies dans les lacs dits sacrés en vue de s'assurer la
bienveillance de leurs divinités. Le gourg des Druides, identifié
sur la carte de l'Institut Géographique National sous l'appellation
dépréciative et même péjorative de "lac des Truites", est un de ces
sanctuaires chargés de potentiel spirituel et d'énergie sacrée.
Bien avant le berger Barthélémy, donc à l'époque pré-chrétienne,
une terrifiante épidémie décimait les populations de la région.
Toute la science des vates (druides devins et médecins) ajoutée aux
thérapies populaires et aux pratiques magiques, ne parvenaient pas
à enrayer le mal qui anéantissait des familles entières. Alors tous
les druides de la montagne et ceux des pays circonvoisins, Sabharthès,
Pays d'Aliou, Pays de Sault, Pays d'Olmes se réunirent et, comme
dernier recours susceptible de conjurer le mal, décidèrent d'effectuer
un pèlerinage sur le Tabor. Ils demandèrent à toutes les personnes
valides d'y participer et d'apporter leurs bijoux, leur or, leur argent
et autres pierres précieuses.
Une grande foule entoura le lac et les druides, groupés sur une
proéminence rocheuse, ordonnèrent aux assistants d'y jeter leurs
précieux présents. Au fur et à mesure que le métal tombait vers
les profondeurs du lac, ses eaux cristallines devinrent troubles,
puis noirâtres sous l'effet des péchés symbolisés par ces objets
de luxe. Depuis lors l'étang des Druides fut aussi appelé le gourg
Négré (noir).
Puis les druides dessinèrent ensemble trois cercles magiques autour
du lac afin que le mal qui venait d'y être enfoui ne puisse plus en
ressortir. Et bien entendu, l'épidémie disparut.
Touristes randonneurs, si, passant un jour sur les berges de l'étang
des Druides, naissait en vous le funeste dessein de récupérer les
richesses que cachent ses eaux moirées, sachez que, celui qui briserait
les cercles magiques qui l'entourent, mourait (sic) à l'instant même,
de ce même mal qui fauchait les hommes du pays avant qu'ils n'eussent
renoncé à leur or maudit."
Ici, nous sommes clairement dans le registre de la légende populaire et puisque cette légende n'est attestée dans aucun autre récit plus ancien, il s'agit probablement d'une légende populaire forgée il y a peu par les fantaisies d'un esprit fécond. Aucun écrit antérieur connu ne vient étayer ou même simplement rendre compte de cette légende.